Edito - 2 juillet 2013

Snowden, TTIP, droits de l'homme et liberté d'expression... quelques réflexions sur l'actualité

Edward Snowden, le « whistleblower ». Un jeune homme d'une trentaine d'année, qui a décidé de révéler des informations sur les programmes de surveillance (ou d'espionnage, selon les préférences) américain, états-uniens, devrait-on dire.

PRISM, ou quand Big Brother n'est plus qu'un amateur... Prism, ce que l'on sait aujourd'hui

Snowden, sur les traces de Julian Assange, fondateur de Wikileaks et réfugié à l'ambassade d'Equateur au Royaume-Uni depuis plus d'un an.

Ou de Bradley Manning, un des informateurs de Wikileaks, qui a eu moins de chance. Son procès est en cours aux Etats-Unis. Accusé « d'aide à l'ennemi », il risque plus de 150 ans de prison... (Ou la mesure des peines de prisons à l'américaine !)

Revenons à notre whistleblower. Conscient de la réaction probable des Etats-Unis suite aux révélations, il s'est réfugié à Hong-Kong. De là, il cherche l'asile politique.

L'Equateur est cité. On se rappelle, ce pays, à déjà accordé l'asile politique à Julien Assange.

Réactions de Human Rights Watch (Organisation NON Gouvernementale de défense des DROITS de l'Homme!) : l'étrange voyage de Snowden (Chine, Russie, Equateur, Cuba, pensez-donc ! Ces pays sont-ils démocratiques ?! Les Etats-Unis, à n'en pas douter, le sont beaucoup plus...) et dans le même temps, un article sur la censure de la presse en Equateur... coïncidences ?!

Passons sur le chantage des Etats-Unis relatif aux accords commerciaux avec l'Equateur dans le cadre de la lutte anti-drogue (soit dit en passant, que l'Equateur propose aux Etats-Unis de leur financer une formation aux droits de l'Homme serait assez drôle si le contexte n'était pas aussi grave!).

Passons également sur un certain traitement médiatique d'une neutralité exemplaire.

Snowden est maintenant « en transit » à l'aéroport de Moscou, et envoie des demandes d'asile.

21 pays, dont la France. La France, dont plusieurs partis politiques ont appelé à lui accorder l'asile. (A noter que certains médias n'ont pas manqué une si belle occasion de mettre dans un même panier EELV, Front de Gauche et FN!).

La France, qui, au sein de l'Union Européenne, a débuté des négociations dans le cadre du TTIP.

TTIP ? Que vient faire cet engin dans ces quelques réflexions ?

TTIP ? Un accord commercial trans-atlantique en discussion entre l'Europe et les Etats-Unis, en tant que bons partenaires commerciaux... (des micros placés par la NSA dans les locaux de la Commission Européenne ne sont bien sûr qu'anecdotiques...).

Cette anecdote nous donne tout de même l'occasion de se pencher sur cet accord « commercial » qui plus précisément vise à supprimer les barrières « non-tarifaires » au commerce : au hasard, toute règle environnementale, éthique, sociale etc. qui gênerait le libre-échange.

Soyons rassurés, s'il s'agit de s'aligner sur les Etats-Unis en la matière, nous pouvons avoir confiance dans leurs normes sociales, éthiques, environnementales...

Rassurons-nous également, nous serons certainement bien informés par les médias sur ce TTIP et sur l'avancement des négociations, afin de voter en 2014 pour nos députés européens en toute connaissance de cause !

Enfin, heureusement nous pouvons compter sur l'école pour former les jeunes à développer leur esprit critique et leur esprit d'analyse !

MB

mardi 2 juillet 2013

Tibet et Tchétchénie : l’indifférence ou la mort - juin 2011


Quel est le point commun entre ces deux régions ? Elles sont toutes deux le théâtre de répressions sanglantes qui ne font plus la une de l’actualité depuis des mois voire des années. Pourtant cette semaine le gouvernement chinois a décidé d’interdire le Tibet aux touristes étrangers au moins jusqu’à fin juillet. La même mesure avait été prise au mois de mars 2011, trois ans après les manifestations antichinoises de 2008. Cette fois-ci, la fermeture s’explique par le 60e anniversaire de l’invasion du Tibet par l’armée de Mao en 1951. On pourrait presque croire qu’il est toujours un tragique événement à célébrer au Tibet. Surtout, les autorités de Pékin craignent, plus que d’éventuels rassemblements publics, inévitables pour un peuple opprimé, que l’information puisse être relayée à l’étranger. Dans notre société mondialisée, où l’information circule en temps réel d’un continent à l’autre, la transparence sur la répression chinoise envers la population tibétaine est inenvisageable pour Pékin. Quand on se rappelle que les chinois ont régulièrement justifié leur invasion en expliquant que le Tibet était un pays féodal, arriéré, qui était resté fermé aux étrangers pendant des siècles, cette mesure pourrait presque faire sourire sans le drame qu’elle implique (pour un historique plus détaillé :
Parallèlement, un phénomène similaire se déroule en Tchétchénie où le pouvoir de Vladimir Poutine a installé une chape de plomb. Depuis la guerre menée contre les indépendantistes tchétchènes en 1999 et la destruction totale par l’armée russe de la capitale Grozny, il est devenu très difficile d’avoir des informations sur la situation dans cette région caucasienne. Pour quelles raisons ? D’une part parce que la dure loi médiatique a relégué le drame quotidien tchétchène au rang de souvenir. D’autre part, parce qu’il n’y a tout simplement plus de journaliste en Tchétchénie pour jouer ce rôle « d’historien du présent » si cher à Camus. Anna Politkovskaïa, reporter du journal indépendant du Kremlin Novaïa Gazieta a été tuée en 2006 après avoir témoigné à plusieurs reprises dans ses articles des atrocités commises par le pouvoir pro-russe en Tchétchénie. Un pouvoir dirigé par Ramzan Khadirov, ancien patron d’une salle de boxe, que Vladimir Poutine a promu Président de cette province caucasienne pour y instaurer la terreur. En 2009, Natalia Estemirova, journaliste russe et activiste des droits de l’homme en Tchétchénie, qui avait pris le relais d’Anna Politkovskaïa, était enlevée chez elle puis assassinée. Aujourd’hui, il n’est plus de parole libre pour témoigner au monde des exactions commises par l’armée russe et le pouvoir en place en Tchétchénie contre la population et les dissidents politiques.
Il est impossible de s’indigner quand on ne sait pas. Dans ce cas là il ne reste plus que l’indifférence ou la mort.

lundi 20 juin 2011

Les champs du possible


« La distinction » de Pierre Bourdieu est un livre à la vérité brûlante, nocive même. Quelques pages qui restituent avec génie et simplicité le kaléïdoscope de nos sociétés modernes. Aujourd’hui la réalité sociologique fait que huit enfants sur dix restent au même statut social que leurs parents, un sur dix fait mieux et un sur dix fait pire. Est-il humainement possible de vivre avec cette loi d’airain à l’esprit ? Peut-on espérer, rêver, nourrir des projets, imaginer son avenir quand on connaît ce poids de la naissance dans une certaine catégorie sociale ? L’immense majorité des gens dans nos sociétés occidentales ne pourra s’élever socialement au-dessus de ses aînés. Un simple sondage auprès des 15-25 ans suffirait à montrer que la plupart d’entre eux croient qu’ils réussiront à faire mieux que leurs parents, à s’élever socialement. Pourtant, la loi de la Distinction est bien là, omniprésente dans l’ombre des cursus scolaires et du marché du travail pour chacun d’entre nous. Quel individu pourrait vivre en sachant que sa voie est quasiment tracée, que son évolution sera restreinte dès ses origines, que sa liberté est limitée ? L’esprit humain ne peut accepter une telle prédestination à l’identique. C’est bien là que réside le génie du capitalisme des sociétés occidentales modernes : réussir à faire croire à l’ensemble des composantes du corps social que s’il veut, s’il travaille, s’il le mérite et même s’il a de la chance, il pourra atteindre les sommets de la société. Et que là réside le bonheur. Qui ne rêve pas de gloire, d’argent, de réussite ou tout simplement d’un avenir meilleur ? Mais la statistique est là : seule une personne sur dix fera mieux que ses parents. Cette simple possibilité est le ressort le plus puissant de la soumission des individus à la vie en société. L’existence d’une issue, lointaine, improbable suffit au maintien de la masse des individus. Ce champ du possible est la matrice de l’acceptation de l’ordre établi. Les Etats-Unis et son rêve américain en est le plus bel exemple. Ce pays, où les inégalités sociales sont parmi les plus importantes des pays du Nord, demeure celui où tout semble possible pour tout un chacun dans l’imaginaire collectif, même international. Par ailleurs, il est essentiel de regarder deux autres géants en devenir de la géopolitique mondiale à travers le prisme de ces champs du possible : la Chine en l’Inde. L’Inde, pays démocratique le plus peuplé au monde est composé de castes quasi étanches. Néanmoins, l’existence d’un fait spirituel très prégnant dans la société indienne libère les Indiens de cette soumission par une issue mystique et divine supérieure. Un élément primordial que ne connaît pas la Chine où la situation est aggravée par l’absence de liberté politique. Sans être une société de castes, la Chine demeure très inégalitaire géographiquement, socialement et sociologiquement. L’esprit des travailleurs chinois est sclérosé par cette sécheresse qui n’admet aucun champ du possible. Le risque de soulèvement et d’effondrement de cette société n’en est que plus grand, voire peut-être inéluctable. La vérité sociologique est une loi d’airain aussi rigide que l’esprit humain a besoin d’espoir et de liberté. Quand les deux entrent en conflit, l’Histoire s’écrit.

(13 juin 2011)

lundi 13 juin 2011

DSK : du Capitole à la roche tarpéienne

Les romains avaient coutume de dire que la roche tarpéienne, lieu d’exécution des criminels à Rome, était proche du Capitole pour symboliser la proximité entre la gloire et la déchéance. 2000 ans d’histoire n’ont pas changé cette vérité pour DSK.

En une semaine nous venons d’assister à la chute d’un des hommes les plus puissants au monde (certainement le deuxième après le président Obama). Directeur général du FMI, son action et son rôle étaient particulièrement appréciés dans la régulation de la crise de l’euro, dans la gestion de la dette des pays pauvres et pour son soutien à l’économie américaine. Il était un des hommes politiques les mieux payés de la planète avec un salaire annuel d’environ 500 000 dollars et voyageait plus de 200 jours par an.

En plus d’une position internationale incontestable, DSK était le favori de l’élection présidentielle de 2012 en France. En effet, tous les sondages le donnaient vainqueurs de la primaire socialiste et du scrutin présidentiel face à n’importe quel adversaire au 1er et au 2nd tour. Une épreuve qui représentait « son combat, sa vie » selon les mots d’Anne Sinclair, sa femme.

Ce présent en or et cet avenir au sommet se sont évanouis en l’espace de quelques instants dans la suite 2806 du Sofitel de Times Square à New-York, une chambre à 3000 $ la nuit…

Pour DSK, la roche tarpéienne était vraiment très proche du Capitole.

(mai 2011)

jeudi 19 mai 2011

Tours et détours de l’actualité mondiale (mars 2011)


Parfois, la somme des événements qui se déroulent au même moment sur la planète impose une simple question : « Mais que se passe-t-il dans le monde ? ».

Un bref tour d’horizon des faits marquants de la semaine peut en effet donner le vertige. Tout d’abord, dans l’indifférence presque générale, les forces armées de Laurent Gbagbo, candidat non-élu au pouvoir, ont lancé une offensive sur le quartier où réside Alassane Ouattara, président élu sans pouvoir. Il est désormais loin le temps où la communauté internationale s’interrogeait sur la possibilité d’une intervention pour forcer le président sortant à reconnaître la victoire de son adversaire. Aujourd’hui, personne n’est là pour s’interposer à un véritable coup d’Etat anti-démocratique de Laurent Gbagbo (lire infra sur ce sujet).

L’attention est aujourd’hui focalisée sur le Japon après l’avoir été sur les révolutions arabes. On en oublierait presque la sortie diplomatique magistrale du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a une nouvelle fois fait preuve d’une clairvoyance et d’un discernement sans égal en reconnaissant le Conseil national de transition (les forces opposées à Mouammar Khadafi) comme représentant légitime du peuple libyen. Un tel acte, s’il est courageux pour certains, n’en est pas moins très maladroit. D’abord, de manière très cynique, parce qu’il intervient au moment où les forces rebelles perdent du terrain et ne semblent plus en mesure de s’imposer face aux forces armées du guide de la révolution. Surtout parce qu’il intervient moins de quatre ans après la visite du chef d’Etat libyen que Nicolas Sarkozy et son gouvernement avaient alors tenté de faire passer pour un dirigeant respectable comme un autre. En quatre ans, Khadafi est resté le même, pourquoi donc était-il assez fréquentable pour le laisser planter sa tente bédouine à l’hôtel de Marigny ? Peut-être pour sauver la vie des infirmières bulgares et du médecin palestinien en contrepartie ? Sans doute mais surtout pour s’approprier la gloire de cette libération très médiatique. Le Président de la République n’a pas changé lui non plus : malheureusement opportunisme et affaires étrangères devraient être incompatibles.

Enfin, les drames terribles qui touchent le Japon : tremblements de terre, tsunami et risques nucléaires, sont incroyables. Au-delà des images, des morts et des souffrances qu’ils représentent, comment ne pas s’interroger sur l’énergie nucléaire ? Ces accidents montrent qu’il s’agit d’une technologie que les hommes ne peuvent pas contrôler. Nous savons uniquement la mettre en œuvre et essayer de nous prémunir de ces dangers mais en des cas exceptionnels, l’homme ne peut rien pour éviter un deuxième Tchernobyl, voire pire. Bien sûr, tous les pays qui utilisent l’énergie nucléaire ne sont pas soumis à des catastrophes naturelles comme au Japon. Il est nécessaire de rappeler que le séisme qui a touché Sendaï était le plus important jamais enregistré et beaucoup de scientifiques attendent encore le « big one ». Il en est de même aux Etats-Unis avec les risques sismiques en Californie ou les ouragans et tornades du sud du pays. La France elle connaît des tempêtes, des inondations. Après le 11 septembre 2001, quel Etat occidental peut garantir un risque 0 d’attentat contre une de ses centrales ? Et l’erreur humaine, un paramètre qui sera toujours présent. De plus, comment empêcher les Etats émergents d’avoir accès à cette technologie alors que tous les pays du Nord en ont profité pendant des décennies ? Ces Etats auront-ils un niveau de sécurité suffisant ? Enfin, une dernière question : quand l’homme a entre ses mains un outil qui peut détruire sa planète, pourquoi s’en servir s’il ne sait pas le contrôler?

dimanche 13 mars 2011

Revue de presse : d’une révolution à l’autre (27 février 2011)

« Le poids des mots, le choc des photos » : la célèbre devise de Paris-Match n’a jamais eu autant d’actualité. Qui se rappelle qu’il y a encore deux mois les journaux télévisés consacraient à chaque édition un dossier spécial sur la Côte d’Ivoire ? Qui sait aujourd’hui ce qui se passe entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ? Qui sait que des affrontements ont déjà eu lieu entre les partisans des deux candidats à la présidentielle, faisant plusieurs centaines de morts, plus qu’il n’y en a jamais eu depuis le début de la crise ivoirienne ?

Plus près de nous, que sait-on du processus de transition démocratique en Tunisie ? La même question se pose sur la situation en Egypte depuis le départ de Moubarak. Clairement, l’attention de tous les médias, ou presque, est entièrement focalisée sur la Lybie, après avoir été concentrée sur l’Egypte et sur la Tunisie, et deux mois plus tôt sur la Côte d’Ivoire. Les médias ont couvert tour à tour l’actualité la plus brûlante pour chaque pays. Une révolution après l’autre. Une information en chasse une autre : logique cyclique. Ce raisonnement est beaucoup plus difficile à soutenir lorsque la situation des pays en cause reste instable et nécessiterait une attention continue. Ainsi, alors que la guerre civile se prépare en Côte d’Ivoire, les médias ne parlent plus que de la situation dans les pays arabes et principalement en Lybie, dernier Etat en révolution. Et les politiques français adoptent la même attitude. En attendant, oublié de la communauté internationale, Laurent Gbagbo a détourné les 8 milliards de la banque centrale africaine à Abidjan et va pouvoir ainsi contrôler les fonctionnaires et l’armée du pays pendant des mois. La situation est dramatique et pourrait déstabiliser toute la sous-région sahélienne. Pourtant, cette information n’a quasiment pas été évoquée dans les médias. Cet exemple vaut pour la Tunisie et l’Egypte avec des lendemains de révolution incertains qui ne devraient pas rester dans l’ombre d’une actualité centrée sur la Lybie.

Un pays passe soudain de l’ombre à la lumière, puis se retrouve éclipsé presque aussi vite par l’actualité brulante d’un autre pays. Tous ces événements majeurs ne devraient pas se succéder mécaniquement dans les médias. L’ampleur des changements qui interviennent mérite un suivi dans le traitement de l’information qui n’est pas assuré aujourd’hui. Quand l’histoire se déroule en direct, elle ne s’arrête pas d’un jour à l’autre, entre deux JT.

lundi 28 février 2011

Tunisie : chronique d’une révolution

Le 17 décembre dernier, Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant de fruits et légumes à Sidi Bouzid, se faisait confisquer toute sa marchandise par la police parce qu’il n’avait pas d’autorisation. Après avoir vainement tenté de plaider sa cause devant les autorités locales, il s’immole par le feu devant le siège du gouvernorat. Mohamed Bouazizi a succombé à ses blessures le 4 janvier, sans avoir été témoin de la fuite de Ben Ali devant la révolte populaire qui a suivi son acte de désespoir.

Les événements qui se sont déroulés ces dernières semaines en Tunisie, que l’on appelle déjà « la révolution du Jasmin », sont exceptionnels dans leur intensité et leur dénouement. Rares sont les moments où un peuple a rendez-vous avec son Histoire. En l’espace d’un mois, les Tunisiens viennent d’écrire la page la plus importante pour leur pays depuis l’indépendance obtenue par Habib Bourguiba en 1956.

Le départ du président Ben Ali devant la pression populaire est une première dans le monde arabe. Cette issue est symptomatique de la fin d’un régime dictatorial : la fuite d’un chef d’Etat qui n’a jamais accepté l’exercice d’une quelconque responsabilité face à ses actes. On ne peut que se réjouir qu’un Etat autoritaire tombe et surtout que le peuple tunisien ait pris son destin en main. Bien sûr, la Tunisie connaissait un certain essor économique et des avancées sociales avec notamment des universités et des hôpitaux très performants. Mais le musellement de toute opposition, la mainmise du clan Ben Ali sur tous les leviers de pouvoir et l’organisation d’un Etat corrompu étaient devenus intolérables pour la population tunisienne.

Pour le symbole, il était très important que la France, qui a toujours soutenu Ben Ali, refuse d’accueillir le président en fuite. Après avoir été très discrète sur ces événements tunisiens, puis très maladroite avec les mots de Frédéric Mitterrand (« Dire que la Tunisie est une dictature univoque, comme on le fait si souvent, me semble tout à fait exagéré ») qui ont concurrencé ceux de Michèle Alliot-Marie (« Nous proposons que le savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type »), il était temps que la France marque clairement son soutien au peuple tunisien.

Ce soulèvement populaire a été également marqué par la force d’internet et des réseaux sociaux, théâtre virtuel de la révolte qui a accompagné et même propagé le message des manifestants tunisiens pour former une véritable révolution 2.0. Le web est souvent décrit comme un outil d’asservissement, sachons reconnaître qu’il peut aussi être un outil de liberté incontrôlable pour un appareil policier.

Alors, peut-on annoncer, comme certains le font déjà, la propagation de ce mouvement de révolte dans d’autres pays arabes aux régimes autoritaires ? Il est très difficile de répondre à cette question tant les spécificités nationales, culturelles et historiques de chaque pays sont différentes. Le peuple tunisien a montré un chemin pour reprendre sa destinée en main, à chaque pays de trouver le sien. Les calculs géopolitiques trop avancés sur cette question sont encore précipités.

Cette « révolution du Jasmin », qui a malheureusement coûté la vie à plus de 80 personnes, est avant tout un signe d’espoir pour le peuple tunisien. Il faut espérer que ce vent de liberté qui s’est levé en Tunisie ne soit pas étouffé par les luttes de pouvoir qui vont forcément avoir lieu et qu’il soit préservé des dérives autoritaires et intégrismes islamistes.

En 1987, Habib Bourguiba, le père de l’indépendance devenu un autocrate paranoïaque, était renversé par Ben Ali. Son arrivée avait suscité une vague d’espoir immense pour les tunisiens. 23 ans après, espérons que son départ marque le début d’une ère nouvelle en Tunisie et que les déceptions de l’histoire passée ne se répètent pas.

mercredi 12 septembre 2007

QUEL STATUT POUR LE SAHARA OCCIDENTAL?

"Le Front polisario", Bernard Rancillac, 1976

Le 30 avril 2007, le Conseil de sécurité des Nations unies a, par sa résolution 1754, appelé le Maroc et le Front Polisario à engager des négociations « de bonne foi, (…] en vue de parvenir à une solution juste […] qui permette l’autodéter-mination du peuple du Sahara occidental », sous les auspices du Secrétaire général Ban Ki-Moon.

LA SITUATION
Le Front Polisario est un mouvement politique armé du Sahara occidental
(région au sud du Maroc), principalement composé d’indépendantistes sahraouis, et soutenu par l’Algérie. Il s’est formé le 10 mai 1973, pour mettre fin à la colonisation espagnole. Après le départ de ces derniers, le Front Polisario s’est opposé à l’occupation du Sahara occidental par la Mauritanie et le Maroc. La « République arabe sahraouie démocratique » (RASD) est créée en février 1976, et reconnue par la Mauritanie en 1979. Mais la lutte armée contre le Maroc va se poursuivre jusqu’au cessez-le-feu en 1991. Le Front Polisario revendique toujours l’indépendance de ce territoire. Le Sahara occidental est un enjeu majeur de la rivalité entre le Maroc et l’Algérie. Le Maroc propose à la région une large autonomie, et est notamment soutenu dans cette voie par les Etats-Unis, la France et l’Espagne.

LES NEGOCIATIONS
Des négociations entre les deux parties ont donc été ouvertes les 18 et 19 juin dernier, les premières depuis 7 ans. Elles n’ont pas donné de réel résultat, le seul mérite étant d’avoir relancé un processus de dialogue. Un rapport du Secrétaire général des Nations unies a été remis au Conseil de sécurité le 27 juin, estimant que les négociations s’effectuent dans un bon climat, mais les positions entre les deux parties demeurent très éloignées en ce qui concerne le processus d’autodétermination. Un deuxième sommet a eu lieu les 10 et 11 août. Il n’a pas été plus concluant, les deux parties s’accusant mutuellement d’intransigeance. Cependant, elles ont reconnu que le statu quo est inacceptable et se sont engagées à poursuivre les négociations de bonne foi. Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, laissant le choix aux sahraouis entre l’indépendance, l’autonomie sous souveraineté marocaine, ou le rattachement au Maroc.





La partie à l’Ouest du mur est contrôlée par le Maroc, tandis que seule la partie Est est sous contrôle du Front Polisario. La ville de Tindouf, en Algérie, recueille plusieurs milliers de réfugiés sahraouis.